Depuis
une dizaine d’années les chercheurs utilisent l’effet de
lentilles gravitationnelles pour sonder l’univers et découvrir
peut-être la nature de la matière sombre .Voyant de plus
près ce que cache tout cela.
I
- INTRODUCTION :
Qu’est
qu’une «lentille gravitationnelle» (LG) ?
Décomposant l’expression, le terme ‘lentille’, nous fait penser
à un effet optique tel que la formation d’une image ;‘gravitationnelle’
nous renvoie à la force qu’exerce la Terre sur les corps si on
n’est pas physicien, dans le cas contraire on pensera à la célèbre
loi de Newton : F = G.M.m/r².
Il y a en fait un peu de tout cela ...
Des galaxies lointaines sous l'influence
gravitationnelle de la galaxie au centre, relativement proche
II - RELATIVITE GENERALE ET L’EFFET DE LENTILLE GRAVITATIONNELLE :
En
1916, Einstein publia «Les lois de la relativité générale »
ou il proposa trois tests expérimentaux pour sa nouvelle théorie:
1- L’effet de L.G.
2- La dilatation du temps.
3- L’avance du périhélie de Mercure.
Le premier test fut confirmé par le fameux astronome britannique
«Arthur Eddington » lors de l’éclipse totale du Soleil en
date du 29 mai 1919. (Voir Figure 1).
Figure 1
Déviation des rayons lumineux issues d’une étoile
dont la ligne de visée est proche du Soleil.
L’effet de LG consiste en la déviation de la lumière d’une source
lointaine par une masse se trouvant sur son chemin, dans le cas
où la terre se trouverait alignée avec ces deux objets stellaires,
on verra la source modifiée: soit en position, soit en dimension
apparente, soit simplement déformée.
En cas d’alignement parfait de la source éloignée (telle qu’une une
étoile) de l’objet stellaire jouant le rôle de lentille -appelé
également ‘déflecteur’- et de la Terre, on ne verra plus l’étoile
comme telle mais plutôt comme un anneau nommé ‘anneau d’Einstein’
(Voir Figure 2).
Figure 2
Effet de lentille gravitationnelle pour le cas d’une galaxie
(Anneau d’Einstein pour un alignement parfait).
III - CONDITIONS POUR L’EFFET DE LG
Le
premier cas de LG fut observé le 29 mai 1979 par les anglais D.Walsh,
R.Carswell et l’américain R.Weymann qui se trouvaient par hasard
confrontés au premier cas de dédoublement patent du quasar QSO
(0957 +561) A et B. La source donnait deux images séparées de
6’’(six secondes d’arc).
Signalons que pour valider un effet de LG rare à observer (on
en a observé jusqu'à présent une quinzaine) trois conditions doivent
être vérifiées afin de s’assurer que l’observation ne porte pas
sur des étoiles variables - beaucoup plus fréquentes- qui constituent
un bruit de fond sérieux.
Ces
3 conditions sont:
- La similitude entre les spectres de fréquence des deux images.
- Le rapport des flux identiques dans le domaine visible et le
domaine radio.
- La présence d’une galaxie en avant- plan entre les deux images.
IV - L’UTILITE DES LG EN ASTROPHYSIQUE ET EN COSMOLOGIE:
En
1937 Zwicky annonçait que cet effet en amplifiant les galaxies
lointaines permettrait leur détection et donc une détermination
plus précise de leurs masses.
D’autre part, l’effet de LG s’est avéré être un moyen très important
pour élucider certaines questions d’astrophysique et de cosmologie, notamment:
· L’effet d’amplification peut servir comme télescope cosmique
qui permettrait l’observation d’objets trop éloignés ou de luminosité
trop faible pour être observables directement.
· Les images peuvent fournir des informations sur les propriétés
à grande échelle de l’univers telle que la valeur de la constante
cosmologique.
· Ces lentilles permettent aussi de comprendre l’hétérogénéité
de l’univers, et surtout de rechercher la matière sombre qui constitue
de 90% à 99% de l’univers.
En 1986 B.Paczynski de Princeton University proposa l’utilisation
de l’effet des LG pour rechercher d’une manière indirecte la matière
sombre, en observant la déflection et l’amplification de la lumière
des étoiles extragalactiques, et il y a du nouveau: le mouvement
de l’objet sombre servant de LG rend le phénomène transitoire,
sa durée varie comme la racine carrée de la masse de l’objet lentille
et peut servir à estimer cette masse.
V - RECHERCHES ACTUELLES ET PERSPECTIVES :
Depuis
1990 trois groupes se sont lancés dans la quête des microlentilles.
Une microlentille est une lentille gravitationnelle constituée
d’une étoile (Voir Figure 3). L’expérience française de Recherche
d’Objets Sombres « EROS », l’expérience américano-australienne
MACHO, et américano-polonaise OGLE. Pour les deux premiers, les
travaux avaient pour but de détecter des naines brunes (dont la
masse et de quelque 0,1 masse solaire) qu’on pensait être une
composante possible de la matière sombre; mais les derniers résultats
publiés semblent exclure les naines brunes comme candidats
pour la matière sombre, qui motivait grandement les recherches
(Courrier du CERN-Mai 2000, p 14).
Figure 3
Effet de micro-lentille gravitationnelle.
Dans ce cas, le déflecteur est une étoile située en avant plan.
Enfin, signalons une autre utilité des microlentilles gravitationnelles
assez intéressante: la surveillance de ces événements de longue
durée vers des étoiles brillantes constitue une façon nouvelle
de rechercher des planètes autour des lentilles. A présent les
recherches sont très fructueuses. Les MLG devraient être sensitifs
à des planètes de masse plus en plus faible en orbite autour d’étoiles
plus lointaines.
Certainement les LG constituent un outil très puissant pour l’étude
de l’Univers à moyenne et grande échelle. C’est une technique
d’avenir dont le potentiel de découvertes est loin d’être épuisé.
Gageons que l’astrophysique du XXIième saura en faire
une excellente utilisation.
Références :
*
L’édition française de Scientific American. N°131, p56.
* L’Astronomie, bulletin de la Société Astronomique de France.
Janvier 2000, p10.
* Science et Vie. N° 845, p12.
* Courrier du CERN 2000, p13.
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